Mystérieuse DAO … J’ai beau le traduire “Décentralized Autonomous Organization” en français “Organisation Autonome Décentralisée”, ça reste flou. Qui a vraiment pleinement conscience de ce que signifie ce terme ? Pour la plupart d’entre nous, une DAO est une nouvelle entité ou forme juridique, qui fonctionne avec la technologie Blockchain. Est-ce vraiment le cas ?
Je vous entends déjà dire “Nani ?! What !? Was !? Che !? Shén me!? Chto !? Mitä !? Ne !?…Quoi !?”
Encore et toujours un truc que personne ne connait et qui est simple mais complexe.
Vous allez certainement me dire “c’est quand même difficile ces trucs là”. En fait, la réponse est toujours. C’est nouveau, c’est tout !”. Et là, je dis non !
Un concept pas du tout nouveau, bien au contraire.
Remontons à la Grèce antique, reprenons les concepts d’Aristote, lui même inspiré de Platon, lui même inspiré de Socrate, etc… Et alors ? Nous redécouvrons l’organisation autonome et décentralisée, la définition ultime et originelle de la société humaine !
A toi qui cherche la grande réponse à : “Qu’est-ce que la Blockchain, le Web3 et tout le reste? “ -(on pourrait y ajouter la DAO). Tu as plus de chance de la trouver dans un traité de philosophie que dans les revues tech.
Pourtant, je croyais qu’il s’agissait de Blockchain ? mais oui et en fait.. non.
En fait, il s’agit de transposer dans un écosystème virtuel des principes de fonctionnement bien réels. Car au bout, il y a…??? Non, pas la mer, matelot ! Des humain, voire davantage, qui sait !!!
Pour fonctionner en “société”, c’est-à-dire en collectivité d’individus respectant des valeurs communes, il faut : Des individus, des valeurs communes et un outil permettant d’exprimer des opinions et de prendre des décisions (dans l’intérêt commun).
Tel un équipage voguant sur les mers, lorsque nous sommes tous dans la même galère (à traverser le bear market…), nous sommes conscients des risques et des enjeux. Le but de nos actions et de nos décisions est commun (le bull run bien sûr !).
Et tout commença par un code… le Code de Gortyne ( à quoi pensez-vous ?). Il s’agit d’un code juridique gravé sur ce qui était probablement un mur de pierre de la salle du conseil dans la cité-État de Gortyne (époque de la Grèce archaïque et classique). Ce code détermine les droits respectifs des citoyens, des esclaves et des étrangers d’un point de vue du droit familial. Si l’on suppose qu’il existait d’autres textes non retrouvés, cela demeure un exemple de la législation des cités.
Quel rapport entre les Cité-Etat du passé avec la DAO ou la Blockchain ?
Les philosophes de la Grèce antique s’intéressaient à l’étude de l’homme vivant au sein d’une communauté. Egalement, de ce qui est bon pour lui tant sur le plan individuel que collectif. Ils ont observé et imaginé les différents moyens de vivre ainsi au sein de Cités-Etat, des régimes en vigueur, de leur succès, de leurs échecs menant à la destruction.
c’est ainsi qu’Aristote, dans son œuvre “La Politique”, pose les concepts fondamentaux de forme, norme, finalité et juste milieu (ou équilibre, harmonie optimale…) comme base de tout. Le but ultime est le bonheur (sans distinction de celui du citoyen ou de l’Etat). Les piliers théorisés par Aristote sont la cellule dite “famille” et la “propriété” privée. Cette dernière peut être individuelle ou collective. Elle correspond au droit d’user, de jouir et de disposer d’une chose de manière propre, exclusive et absolue (sous les restrictions établies par la loi).
Pour atteindre le bonheur, il faut un Etat meilleur et la souveraineté de l’ensemble des citoyens. Et, dans son exposé, il est préférable de donner le pouvoir à un grand nombre car « la multitude est plus difficile à corrompre ».
C’est connu (mais si !), l’œuvre d’Aristote détaille le concept de démocratie (égalité des citoyens et liberté). Pourtant, d’autres concepts y sont analysés en détail, dont ceux que nous retrouvons aujourd’hui dans les développements basés sur la Blockchain.
Précision sur le concept de Cité-Etat dans la Grèce antique et son écho dans la définition d’une DAO.
Le concept de Cité-Etat dans la Grèce antique correspond à une communauté de citoyens libres et autonomes (le concept de cité est indissociable de la communauté humaine qui la compose). Le caractère autonome de la cité est basé sur une situation géographique renforcé par l’idée d’autarcie. Il s’agit donc d’une communauté structurée, dans un écosystème défini et régi par des lois intègres et partagées (bien commun).
Le concept de DAO, basé sur la technologie Blockchain, correspond à des communautés appartenant à leurs membres, sans direction centralisée. Si le statut juridique précis de ce type d’organisation n’est pas clair, leurs caractéristiques sont :
- Utilisation de la technologie Blockchain pour fournir une base de données numériques distribuée, dont la sécurité est renforcée par le traçage et l’horodatage des interactions. Le but demeure la suppression du tiers de confiance et l’optimisation des coûts.
- Autonomie : le smart-contract (ou code informatique) établi pour une DAO doit permettre son fonctionnement sans intervention humaine (sur le code). Le smart-contract prend en compte des caractéristiques préalablement définies et publiques (open source)_ comme le code de Gortyne !
La gouvernance des DAO est assurée par une série de propositions. Les membres proposent et votent à l’aide de jetons qui accordent ce droit. L’admission à une DAO est limitée aux personnes qui ont une propriété confirmée de ces jetons dans un portefeuille de crypto-monnaies. En outre, ce statut de membre peut être cédé (échangé ou vendu sur la blockchain).
Cette caractéristique “démocratique” contribue au succès de la DAO, en opposition au pouvoir centralisé et/ou hiérarchique que l’on retrouve dans les autres organisations. Les entreprises comme les associations ont des présidents ou autres membres privilégiés dont la décision peut l’emporter sur le nombre.
Ce qui est nouveau ce n’est pas l’idée mais son entrée dans le monde réel.
Je sens que vous êtes un peu perdu, alors accrochez-vous bien à la barre, ça va tanguer un peu !
La Blockchain via les smart-contracts en particulier, permet aux DAO d’exister mais également de devenir de plus en plus complexe. Désormais, on peut imbriquer une DAO spécifique (prenant des décisions particulières) au sein d’une DAO plus large.
Pourquoi ? Parce que cela est possible et surtout parce que l’algocratie fait son chemin !
Nous sommes séduit par la “démocratie” et, en vrai, beaucoup moins par “l’algocratie” qui est une gouvernance algorithmique. L’utilisation d’algorithmes informatiques (intelligence artificielle ou blockchain etc) s’étend aux réglementations, à l’application de la loi, et généralement à tout aspect de la vie quotidienne comme le transport ou l’enregistrement foncier. Aussi, les moyens alternatifs aux modes de gouvernance traditionnels souvent cités sont les smart-contracts, les crypto-monnaies et les organisations autonomes décentralisées.
Par exemple, les algorithmes utilisés permettent de supprimer les tiers de confiances tels que les banques pour les crypto-monnaies. La transparence atténue les risques liés à l’utilisation d’algorithmes (ainsi qu’à l’IA). On parle d’open-sourcing des algorithmes (le code pouvant être examiné publiquement, des améliorations peuvent être proposées).
Histoire de bien comprendre la technologie de base, il vous sera très utile de lire notre article sur la Blockchain. Ensuite, vous pourrez découvrir les cas d’utilisations et la DAO en est une !
Que sont les DAO qui existent déjà ?
La version classique
Les DAO sont nées du besoin d’interagir à plusieurs sur un projet commun, sans se connaitre ni se côtoyer physiquement, sans recours à un tiers de confiance. Des internautes ont ainsi établi un code informatique pour définir des règles de propositions et de votes au sein d’une communauté. On en devient membre par la possession d’un jeton !
Le code définissant les règles de base est immuable mais open source. A l’instar du mur où les règles de la Cité de Gortyne sont gravées dans la pierre. Les membres souhaitant interagir ensemble sur un objectif commun sans se connaitre mais dans le respect de règles connues, constituent la communauté. Plus besoin de faire confiance à quelqu’un dans le groupe, juste au code de la DAO, qui est 100 % transparent et vérifiable par n’importe qui.
Ces membres marquent leur adhésion aux règles et à la communauté par la possession d’un jeton (ou token). C’est à la fois leur propriété et leur identification au sein de la communauté (tel un citoyen de la Cité-Etat qui choisit d’y vivre). Par exemple, lorsque les smart-contracts permettent également de recevoir et d’envoyer des fonds, des votes passés (par décision collective) peuvent autoriser automatiquement des paiements.
Les membres sont tous acteurs et/ou décideurs au sein de la communauté. Ceci est considéré comme démocratique car chacun exerce sa souveraineté et personne n’est au-dessus des règles de la communauté.
Le code est la Loi
Les versions récentes
Le système est évolutif. Il existe des forme de délégations au sein d’une DAO permettant à quelques-uns de représenter ou d’exécuter la volonté de milliers de membres. On parle alors de gouvernance multisig, largement utilisée pour débloquer des fonds (système alternatif à celui automatique précité).
Que vous soyez un groupe de développeurs ou d’investisseurs ou un équipage composé de matelots de toutes sortes, la DAO est une forme de structuration possible et adaptable à ce groupe.
Pourquoi une DAO au lieu d’un type d’organisation préexistant ?
Comme tout ce qui est issu du Web3, la DAO est une réponse à un besoin. Un constat d’échec des structures existantes, pour le développement de technologies et de modèles (notamment économiques) plus résilients.
Pour le matelot qui a manqué l’article sur le Web3, je lance une bouée à la mer ! Le Web3 est la prochaine évolution d’internet. Les fournisseurs de services (tels que les plateformes géantes de type Google, Facebook..) y sont remplacés par des logiciels libres et des individus répartis dans le monde entier qui travaillent ensemble sur des objectifs communs.
Les acteurs du Web3 considèrent l’organisation standard du 21ème siècle (une société/entreprise) comme “Étroite, hiérarchique, généralement non transparent, sur invitation uniquement, pas toujours globale” alors que le besoin d’une “organisation autonome décentralisée, libre, basée sur un groupe ou une communauté, transparente et ouverte, mondiale” était un préalable à l’évolution vers le Web3.
Le fonctionnement de la DAO est très facile et bien optimisé par le jeton. Il est à la fois, l’identifiant sur la Blockchain, le droit de propriété et le droit de vote. Bref, un outil façon couteau-suisse qui est très appréciable dans cet univers où tout est possible. Comme avoir un jeton esthétiquement beau lorsqu’on a bien analysé la hype autour de certain NFT célèbres !
L’autonomie des DAO, issue de la liberté de contrôler ses propres affaires, diffère des structures ou organisations traditionnelles. Ces dernières sont légitimées par des institutions gouvernementales et autres institutions bancaires.
Sans forme juridique comment respecter les lois ?
Les DAO ne sont peut-être pas réglementées, mais elles ne sont pas sans loi. Comme toute organisation, les DAO peuvent établir leurs propres règles sur l’objet, l’adhésion, le vote, etc. Il est conseillé d’avoir un document fondateur afin de régler tout éventuel litige par un service de résolution des litiges Web3 !!!
Pour l’heure, des lois établissant un statut juridique pour les DAO existeraient dans le Wyoming, le Vermont et les Iles Vierges, sous une forme ou une autre.
La DAO un système alternatif ?
Je ne vous laisse pas dans le suspens plus longtemps, la DAO est développée et utilisée ainsi.
Dans un post de septembre dernier, Vitalik Buterin (vous le connaissez nécessairement) éclaire les sceptiques. Il semblerait que ce soit une réponse aux critiques estimant qu’une DAO décentralisée ne peut pas rivaliser “face à des milliers d’années d’optimisation du fonctionnement centralisé d’une société”.
Vitalik expose que les DAO ne sont pas des sociétés. Que, par conséquent, les DAO demeurent des modèles optimisés spécialement dans trois situations :
- La décentralisation pour prendre de meilleures décisions dans des environnements où la modération et le compromis sont plus sage. Plutôt que de choisir entre 2 options radicalement opposée. Dans ce contexte, le grand nombre de décideurs peut avoir plus de sens et surpasser les décisions types de la centralisation. A l’opposé, dans un environnement où la décision à prendre doit être stratégique et le choix sans aucune ambiguïté, la prise de décision est optimisée par la compétence des décideurs, plus que par leur nombre. Dans un contexte stratégique, on préfèrera une délégation davantage centralisée que s’en remettre à un compromis de mauvaise qualité;
- Décentralisation pour la résistance à la censure. Pour le cas des applications qui doivent continuer à fonctionner tout en résistant aux attaques d’acteurs externes puissants.
- La décentralisation en tant qu’équité crédible. Pour les DAO qui assument des fonctions semblables à celles d’un État-nation. A l’exemple de la fourniture d’infrastructures de base, et où des caractéristiques comme la prévisibilité, la robustesse et la neutralité sont plus importantes que l’efficacité.
“Parce que les DAO n’ont pas de souverain au-dessus d’elles, et qu’elles sont souvent explicitement chargées de fournir des services (comme la monnaie et l’arbitrage) qui sont typiquement réservés aux souverains, c’est précisément de la conception des souverains (science politique), et non de la conception de la gouvernance d’entreprise, que les DAO ont le plus à apprendre.“
Et c’est là que les philosophes, étudiant ce qui deviendra les sciences politiques, ont répondu à nos interrogations !!!
De la théorie à la pratique :
Si toutes les communautés du Web3 peuvent être mentionnées comme des DAO, ces communautés sont toutes différentes. Leurs niveaux de décentralisation et d’automatisation par le code également.
Alors matelots !? Comment ne pas comprendre que derrière ces trois mots mystérieux “Organisation autonome décentralisée (DAO)” se cache le trésor du Web3 :
- Posséder ses données ou la plateforme en tant que collectif;
- Utiliser des jetons comme des actions d’entreprise;
- Coordonner et prendre des décisions sur l’avenir d’un projet ou d’une plateforme;
- Voir s’exécuter automatiquement le résultat du vote…
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Curieuse et épicurienne, mon univers consiste à apprécier et apprendre de tout ce qui existe.